Ordonnance du 22 juin 2023 «  anti-expulsions »

L’ordonnance du 22 juin 2023 insère dans le Code bruxellois du Logement les règles de procédure applicables aux expulsions judiciaires et modifie également les moyens affectés par et au profit du Fonds budgétaire de solidarité


Cette ordonnance est entrée en vigueur le 31 août 2023 mais n’a pas encore été consolidée dans le Code bruxellois du logement.

Cette ordonnance s’applique au bail résidentiel mais aussi au bail commercial si le locataire habite dans les lieux.

Le but de cette ordonnance est clair : limiter ou prévenir les expulsions et ce, sur base de l’article 23 de la constitution qui dispose que le droit au logement doit être prioritaire.

Le bailleur ne pourra expulser son locataire que si un plan de paiement raisonnable n’a pas pu être mis en place.

Autre nouveauté : une dette inférieure à trois mois de loyers ne pourra justifier en soit la résolution du bail.

Le but de la réforme est de laisser le temps au CPAS d’intervenir et d’aider le locataire.

Cette ordonnance apporte plusieurs réformes essentielles :

1. La première est l’obligation imposée au bailleur est d‘envoyer une mise en demeure claire au locataire avec un décompte et de lui laisser un mois pour régler sa dette.

Cette mise en demeure devra par ailleurs contenir des mentions précises détaillées dans l’ordonnance (comme l’identité du bailleur, son adresse, sonnuméro de téléphone du bailleur mais également la description des montants…).

Si le locataire ne paie pas dans le délai d’un mois, le bailleur pourra déposer une requête. (Attention au mode d’introduction de l’action : si le bailleur agit par citation, les frais resteront à sa charge, sauf s’il ne pouvait pas introduire la demande d’une autre manière).

Le principe de la requête s’applique même pour les interventions forcées ( article 233 quinquies du NCC).

2. Second changement important, une fois la requête déposée, si la demande vise une expulsion, la cause ne sera introduite devant le Juge de Paix compétent que dans un délai de 40 jours à dater du dépôt de la requête ( au lieu de 15 jours habituellement).

Attention, la requête devra contenir des mentions prévues à peine de nullité : il faudra notamment indiquer le numéro de téléphone et le mail du locataire et annexer à la requête l’extrait du registre national, la copie de la mise en demeure et la preuve de son envoi par recommandé.

Ce nouveau délai de 40 jours a été fixé afin que le greffe puisse communiquer copie de la requête au CPAS.

Concrètement, pour les bailleurs qui souhaitent faire expulser leur locataire,  cela signifie qu’avant d’avoir une date audience, il faudra patienter 70 jours.

L’ordonnance précise que le Juge de Paix devra tenter de concilier les parties.

3. Troisième changement important : l‘expulsion ne pourra avoir lieu qu’un mois à dater de la signification : mais la veille de son expulsion, le locataire pourra s’adresser à l’Huissier de justice pour faire suspendre l’expulsion, s’il prouve qu’il a trouvé un logement dans le mois.

On imagine aisément les difficultés d’exécution que cela va engendrer d’autant plus qu’obtenir une date d’expulsion avec la police est déjà devenu compliqué.

4. Quatrième changement : l’ordonnance instaure  un MORATOIRE HIVERNAL  du 1er novembre au 15 mars.


Contrairement à une certaine croyance populaire, cela existait déjà en France, mais pas encore en Belgique.

Dorénavant il ne pourra plus y avoir d’expulsions prévues en hiver, soit du 1ernovembre au 15 mars. 

Il existe cependant quelques exceptions à ce moratoire hivernal en cas d’insalubrité du logement ou bien lorsque le bailleur est dans une situation de force majeure ( en résumé, il s’agit de l’hypothèse dans laquelle le bailleur a donné préavis pour occupation personnelle, et n’a pas d’autre logement ).

Attention les difficultés qu’éprouveraient le bailleur pour rembourser son emprunt hypothécaires ne seront pas prises en compte !-par le Juge.

Les travaux préparatoires relèvent d’ailleurs que les propriétaires qui ont des difficultés pourront revendre leur bien (sic).

On notera que le Conseil d’État a déjà rendu un avis et a estimé que le moratoire hivernal n’était pas conforme au droit de propriété. Selon celui-ci il n’y aurait pas d’équilibre entre deux droits fondamentaux que sont le droit au logement et le droit de propriété.

A nouveau, cela va entraîner énormément de difficultés d’exécution pour les huissiers et les services de polices qui devront fixer toutes les expulsions après le 15 mars.

5. Enfin, l’ordonnance instaure un fond budgétaire régional de solidaritéalimenté par les amendes perçues par la Direction Bruxelloise du logement et qui indemnisera le bailleur qui ne percevra pas ses loyers pendant le moratoire hivernal.

En cas de défaut de paiement de l’indemnité d’occupation, telle que fixée par la décision d’expulsion ou la décision subséquente, le bailleur pourra présenter sa créance au gestionnaire du Fonds budgétaire régional de solidarité.

En conclusion, 

Il est conseillé aux bailleurs d’envoyer une mise en demeure dès qu’il y a un ou deux mois d’arriérés de loyers tout au plus.

A défaut, entre les nouveaux délais, le droit du locataire de suspendre son expulsion et le moratoire hivernal, le délai d’expulsion sera vite de 6 à 10 mois.

Les bailleurs risquent de payer le prix fort, et donc d’être encore plus méfiants lors de la mise en location de leur bien alors même que l’on sait qu’il devient difficile pour les locataires de se loger à Bruxelles.