Vente d’immeuble – Article 1483 du Code civil : l’accord sur la chose et prix suffit-il ?

RAPPEL DES RÈGLES DE BASE

 Selon l’article 1483 du Code civil, «  la vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur , dès qu’on est convenu de la chose et du prix  quoi que la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

 Néanmoins, depuis deux arrêts de la Cour d’appel du 23 juin 2011 et du 13 octobre 2011, la jurisprudence majoritaire considère que l’accord sur la chose et le prix ne suffit plus lorsque les parties ont convenu de signer un compromis mais qu’il faut également un accord sur les éléments substantiels de la vente.

 De nombreux litiges portent dès lors sur la question de savoir ce qui constitue les éléments substantiels de la vente.

 La 6° chambre du tribunal de première Instance de Bruxelles a eu à trancher un litige similaire le 15 juin 2015.

 

RAPPEL DES FAITS

 Les parties avaient signé un document intitulé «  compromis de vente » en ce termes :

( nous soulignons)

 «  Je soussigné Mr X déclare vendre l’appartement sis à xx à Mr X et Mme X pour le prix de 116.000,00 eur.

Je déclare également vendre le garage à  Mr X uniquement pour la somme de 25.000,00 eur.

Les deux biens sous réserves d’acceptation du crédit et le contrat final devra être signé entre les trois parties au plus tard fin juillet 2014 »

 Par la suite le vendeur a voulu se rétracter et ce parce qu’il refusait de prendre à sa charge les frais pour la délivrance du certificat de conformité électrique et de certificat PEB. (performance énergétique)

 Il estimait qu’il avait vendu les biens à un prix assez faible et que cela incluait les frais administratifs pour le certificat PEB et pour la délivrance du certificat de conformité électrique.

 Le conseil des acheteurs a mis le vendeur en demeure de fournir les certificats litigieux en date du 10 juillet 2014, sans succès.

 Toute tentative amiable ayant échoué, les acheteurs ont donc assigné le vendeur pour

l ‘entendre condamner à passer l’acte authentique de vente.

 

ARGUMENTS DES PARTIES

 Les acheteurs considéraient que le compromis de vente signé le 5 juillet 2014 valait vente parfaite.

 Le vendeur  faisait valoir que d’une part, il n’y avait pas eu de vente parfaite entre parties à défaut d’accord sur les éléments substantiels, et d’autre part, que la condition suspensive de passation de l’acte de vente pour le 31 juillet 2014 n’avait pas été levée.

 

JUGEMENT

 Le Tribunal a rappelé le contenu de l’article 1583 du Code civil repris ci-dessus.

 Il a ensuite rappelé que : ( nous soulignons)

 «  L’offre doit être complète, ferme et précise pour suffire à faire contrat. Elle doit porter sur les éléments essentiels (prix, objet) et substantiels qui ne sont pas essentiels  mais vus comme tels par les parties  ( Cass. 9 janvier 1975, Pas., 1975, I, p.482) de telle sorte que celui-ci est formé par la simple acceptation de l’autre partie.

Les réserves mentales ( ce qui n’est pas connu de l’autre partie) ne sont pas prises en compte.

 Les éléments accessoires peuvent rester hors champ : leur détermination ne conditionne pas l’accord et le contrat peut être complété sur ces points par le recours des articles 1134 et 1135 du Code civil.

 Sous peine de faire perdre au contrat son caractère contraignant, en transformant à postériori le moindre détail en élément prétendument substantiel, il incombe à la partie qui estime comme déterminant de son consentement, un élément ou un condition de la vente, autre que la chose et le prix, d’en informer son futur cocontractant dès l’origine. »

( Civ.Brux., 28 juin 2015) »

 

EN CONCLUSION

 Le Tribunal a estimé, qu’en l’espèce, aucun élément ne permettait de conclure que les parties avaient considérés que les frais administratifs obligatoires relatifs à la vente de l’immeuble devaient être supportés par les acquéreurs.

 Il apparaissait en effet des pièces produites que ce n’est que postérieurement à la conclusion de l’accord du 5 juillet 2014, que le vendeur a mentionné le fait que selon lui ces frais incombaient aux acquéreurs.

 Ceci alors que les éléments substantiels doivent être portés à la connaissance de l’autre partie au moment de la vente, sinon il s’agit d’éléments accessoires.

 Le Tribunal en a conclu que le vendeur ne prouvait dès lors pas que le prix de 116.000 eur sur lequel les parties s’étaient accordées s’entendait du prix net à obtenir, les frais administratifs devant être mis à charge de vendeurs.

 De même le Tribunal  a estimé que si la condition suspensive de passation de l’acte final avant le 31 juillet 2014 ne s’était pas réalisée, c’était uniquement en raison du comportement du vendeur qui a refusé de fournir les certificats demandés à juste titre par les acquéreurs.

 Le Tribunal a donc estimé que les parties s’étaient accordées sur les éléments essentiels de la vente et que celle-ci était parfaite, peu importe l’intitulé du document signé le 5 juillet 2014.

 Le vendeur a été condamné à passer l’acte authentique de vente.

 

COMMENTAIRE:

 Ce jugement est intéressant car il rappelle que pour être considéré comme essentiels les différents éléments doivent être portés à la connaissance de l’autre partie dès l’origine. A défaut il ne s’agit que d’éléments accessoires.

 Une partie ne peut valablement considérer  unilatéralement  comme essentiel certains éléments accessoires, sans que l’autre n’en n’ai été informée préalablement ( en ce sens A.Deliège, Le compromis de vente en question, in, Vente immobilière, la phase préalable et ses écueils, Kluwer 2012, p.44)

 Il rappelle également que l’intitulé du contrat importe peu et que même si le contenu de l’accord est fort succinct, comme c’était le cas le l’espèce, la vente peut être parfaite.