La réception : définition, effets et rôle de l’architecte

La réception concerne la fin de chantier est une période particulièrement délicate pour l’ensemble des intervenants.


LA RÉCEPTION EN GÉNÉRAL

La réception n’est pas définie en droit belge.

A l’inverse, le droit français définit comme suit la réception, à l’article 1792-6 du Code civil : « La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. ».

Cet article ne peut s’appliquer comme tel en droit belge dès lors que la doctrine et la jurisprudence belge considèrent que la réception est un acte unilatéral et irrévocable du maître d’ouvrage.

Sur cette base une définition de la réception en droit belge pourrait être la suivante : la réception est l’acte juridique, unilatéral et irrévocable, par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves.

Cette définition s’applique tant à la réception provisoire qu’à la réception définitive.


RÉCEPTION PROVISOIRE ET RÉCEPTION DÉFINITIVE

Hormis les cas où elle est spécifiquement réglementée, notamment dans le cadre des marchés publics ou de la loi Breyne, le fait de procéder à deux réceptions, l’une provisoire et l’autre définitive résulte en réalité d’un usage mais non d’une obligation.

Ainsi, il est parfaitement possible de prévoir conventionnellement qu’une seule réception, par hypothèse définitive, interviendra, avec tous les effets liés à celle-ci.

Souvent, les conventions disposent que la réception provisoire a les effets de la réception définitive.

La réception provisoire est le constat que les travaux sont réalisés alors que la réception définitive est le constat qu’ils sont « bien réalisés ».

 

PREUVE DE LA RÉCEPTION

Conformément aux règles normales de preuve, c’est évidemment à celui qui invoque l’existence d’une réception d’apporter la preuve de la réalité de celle-ci.

S’il n’est pas contesté que, hormis les cas spécifiquement réglementés, l’acte de réception n’est soumis à aucun formalisme, les parties seront bien inspirées de formaliser celle-ci sous forme écrite, étant un procès-verbal de réception qui doit à tout le moins être signé par le maître d’ouvrage.

Dès lors qu’il est unilatéral, l’acte de réception ne doit pas être signé par l’entrepreneur ou l’architecte même si bien sûr la signature de ces derniers évitera des discussions quant à la portée de la réception et notamment des réserves émises. En effet, en signant le procès-verbal de réception, les constructeurs marquent leur accord sur son contenu et donc sur toutes les réserves qui figurent, sauf évidemment si leur signature est elle-même accompagnée de réserves.

Si la signature de l’architecte ou de l’entrepreneur n’est pas formellement imposée, il n’en demeure pas moins que la présence de l’entrepreneur aux opérations de réception est nécessaire et qu’il doit dès lors être dûment convoqué aux opérations de façon à être informé des réserves qui sont émises, et ce a fortiori si aucun procès-verbal dressé.

À défaut d’être expresse, la réception peut en outre être tacite mais cela implique un comportement non équivoque du maître d’ouvrage qui doit pouvoir être interprété comme le révélateur de l’acte unilatéral qu’est la réception.

Ainsi, il est fréquemment admis que la prise de possession des lieux sans réserve et le payement inconditionnel des factures de l’entrepreneur doivent être considérés comme valant réception.

Qu’elle soit tacite ou expresse, la réception peut parfaitement être donnée à l’architecte sans l’être à l’entrepreneur ou vice-versa.

 

LES EFFETS DE LA RÉCEPTION

On comprendra d’autant mieux l’importance de la réception en examinant les effets attachés à celle-ci.

Dans la mesure où il s’agit d’une opération importante mais peu réglementée, les effets qui s’attachent aux opérations de réception ont été développés par la doctrine et la jurisprudence.

4.1. Constat d’achèvement et transfert de la maîtrise de l’immeuble au maître d’ouvrage.

Quel que soit le type de réception, il est incontestable que celle-ci constate l’achèvement des travaux, sous réserve bien entendu des remarques qui seraient formulées, et donc le transfert de la maîtrise physique de l’ouvrage au maître de l’ouvrage qui est dès lors en mesure d’exploiter celui-ci selon son bon vouloir mais également sous sa propre responsabilité.

4.2. Agréation des travaux.

Sauf stipulation contraire, la réception provisoire ne vaut pas agréation des travaux. Ce n’est dès lors que dans l’hypothèse où la convention conclue entre parties prévoit spécifiquement que la réception provisoire entraîne à l’agréation des travaux que le point de départ de la responsabilité décennale correspondra à la date de la réception provisoire. À défaut, le point de départ sera la réception définitive.

Il faut toutefois souligner qu’il existe une doctrine en sens contraire qui estime qu’à défaut de stipulation contraire, la réception provisoire doit valoir agréation et servir de point de départ à la responsabilité décennale. Devant cette incertitude, il ne peut qu’être conseillé de régler la portée des effets de la réception provisoire conventionnellement.

Ainsi, il a été jugé que s’il est convenu que la réception provisoire est le point de départ de la responsabilité décennale, il ne peut qu’en être conclu que la réception provisoire vaut agréation des travaux.

Cette agréation a elle-même pour effet de faire obstacle à toute revendication ultérieure du maître d’ouvrage pour le défaut qui était apparent au jour de la réception provisoire et qui n’aurait, par hypothèse, pas été dénoncé.

Toutefois, il a été jugé que le caractère apparent de ces défauts doit être apprécié dans le chef du maître d’ouvrage, en tenant compte de ses compétences. Ainsi, si le maître d’ouvrage est totalement profane et qu’il a été manifestement mal conseillé, notamment par son architecte, au moment des opérations de réception et qu’il n’a dès lors pas pris conscience du caractère apparent de certains défauts et de l’obligation de formuler des réserves dans le procès-verbal de réception provisoire, il pourrait être admis à soulever des vices apparents postérieurement à la réception provisoire, en tirant notamment argument du fait que son consentement lors de la réception n’a pas été valablement donné et/ou était en réalité entaché d’une erreur au sens de l’article 1110 du Code civil.

4.3.        Délai de garantie.

Si aucun effet d’agréation n’est accordé à la réception provisoire, le maître d’ouvrage peut, jusqu’à la réception définitive, signaler tout vice caché ou apparent qu’il constaterait à son immeuble, l’entrepreneur devant dès lors intervenir pour y remédier. Cette période, dite de garantie, est généralement d’un an, par analogie aux dispositions de la loi Breyne et aux règles applicables en matière de marchés publics.

Il n’y a à nouveau aucune règle à ce sujet, les parties étant totalement libres de convenir d’une période de garantie plus courte ou plus longue. À défaut de dispositions quant à la durée de cette période, il reviendra à l’entrepreneur ou à l’architecte de solliciter la réception définitive du maître d’ouvrage au moment où il estimera que le chantier est non seulement achevé mais qu’en outre la période écoulée depuis la réception provisoire est suffisante pour avoir permis au maître d’ouvrage utilisateur de l’ouvrage de constater la conformité des travaux.

À l’inverse, lorsqu’il est admis que la réception provisoire vaut agréation, la période de garantie ne concerne pas les vices apparents dès lors que ceux-ci sont couverts par la réception et qu’en réalité le maître d’ouvrage a renoncé à s’en prévaloir.

En toute hypothèse, les constructeurs sont tenus de la garantie pour les vices cachés véniels durant un délai de 10 ans, prenant cours à la réception provisoire et ce en application de l’article 2262 bis du Code civil (voir infra).

Il résulte de ce qui précède que dans l’hypothèse où les parties ont entendu donner un effet d’agréation à la réception provisoire, l’intérêt de la réception définitive s’en trouve fortement amoindri ce qui a pour effet que fréquemment les parties ne procèdent même pas à celles-ci, si ce n’est dans l’hypothèse où la réception définitive permet à l’entrepreneur d’obtenir la libération du solde du cautionnement.

LE RÔLE DE L’ARCHITECTE AU MOMENT DE LA RÉCEPTION

Pour l’architecte, le devoir de contrôle se termine en quelque sorte lors des opérations de réception. Il s’agit en effet du dernier contrôle que l’architecte opérera sur l’ouvrage avant que celui-ci passe entre les mains du maître de l’ouvrage.

Compte tenu des effets essentiels et des renonciations à engager la responsabilité de l’entrepreneur que l’acte de réception contient pour le maître d’ouvrage, l’architecte devra veiller à être particulièrement attentif à dénoncer l’ensemble des vices apparents ou autres malfaçons affectant l’ouvrage et ce avec précision.

S’agissant d’une opération de contrôle, on rappellera tout d’abord que ce contrôle doit être exercé personnellement par l’architecte, lequel ne peut déléguer cette mission à un collaborateur non-architecte. La Cour de cassation a en effet décidé dans son arrêt du 27 octobre 2006 que « La condition d’un contrôle personnel de l’exécution des travaux par l’architecte, sauf dans le cas où l’architecte a l’assurance qu’un autre architecte en est chargé, a pour effet que cette tâche ne peut en principe être déléguée aux collaborateurs qui ne sont pas architectes. »

Il est donc essentiel que l’architecte soit présent lors des opérations de réception et qu’il soit présent personnellement et non par l’entremise d’un collaborateur

L’architecte devra vérifier que les travaux sont effectivement achevés et qu’ils ont été correctement exécutés.

Il veillera dès lors à signaler l’existence d’inachèvements ou de toute erreur d’exécution au maître d’ouvrage, dès lors que c’est lui qui doit in fine de prendre la décision d’accorder ou non la réception, mais également à l’entrepreneur, dans la mesure où celui qui devra remédier aux éventuelles malfaçons.

L’architecte engagera sa responsabilité si son devoir de conseil n’est pas correctement exécuté à l’occasion de la réception ou encore s’il était absent lors de celle-ci, sans juste motif.

Le devoir de conseil de l’architecte s’étend au-delà des aspects techniques et touchent également une sphère d’ordre juridique dès lors que l’architecte doit informer de façon précise son client sur les conséquences juridiques de la réception et donc de l’utilité de faire figurer dans le document de réception la liste la plus exhaustive possible de remarques ou de réserves qui sont formulées.

Faute de ce faire, l’architecte pourrait se voir tenu des conséquences dommageables d’une réception éventuellement accordée à la légère par un maître d’ouvrage mal informé.

 

LA LOI BREYNE

L’article 9 de la loi du 9 juillet 1971 dite loi Breyne dispose qu’en matière de vente d’habitations à construire ou en voie de construction, il doit y avoir deux réceptions.

La réception définitive ne peut intervenir qu’au moins un an après la réception provisoire et pour autant que les parties communes aient été réceptionnées définitivement.

Il faut rappeler que si la réception provisoire peut être tacite en vertu de l’article 2 § 2 de l’arrêté royal du 21 octobre 1971 portant exécution de la loi Breyne, aucune disposition similaire n’existe pour la réception définitive laquelle doit donc nécessairement être expresse.

L’on notera enfin que le transfert des risques à l’acheteur n’intervient que lors de la réception provisoire des parties privatives.