Assurance décennale obligatoire pour les entrepreneurs : la loi du 31 mai 2017

INTRODUCTION

Le projet de loi relatif à l’assurance obligatoire de la responsabilité décennale pour les entrepreneurs, architectes et autres intervenants du secteur de la construction de travaux immobiliers et portant modification de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte, a été voté au Parlement le jeudi 11 mai 2017.

Les dispositions de cette loi du 31 mai 2017 entreront en vigueur à dater du 1er juillet 2018. 

L’objectif de cette loi est double :

  • Elle vise à mieux réguler le marché de la construction et à offrir une meilleure protection au maître d’ouvrage.
  • Elle met fin à la discrimination relevée à l’égard des architectes seuls soumis à l’obligation de souscrire une RC décennale par la Cour constitutionnelle dans l’arrêt n° 100/2007 du 12 juillet 2007. Pour ce faire, l’assurance obligatoire de la responsabilité décennale est introduite pour tous les acteurs du secteur de la construction, à savoir l’architecte, l’entrepreneur et les autres prestataires du secteur de la construction

La nouvelle obligation d’assurance concerne exclusivement la responsabilité décennale prévue aux articles 1792 et 2270 du Code Civil concernant les problèmes de stabilité et de solidité, ainsi que les problèmes d’étanchéité s’ils mettent en danger la stabilité et la solidité du bâtiment.

La garantie de l’assurance devra être valable pour les 10 années qui suivent la réception des travaux.


OBLIGATIONS D’ASSURANCE : POUR QUI ET POUR QUELS TRAVAUX
?

Trois notions doivent être envisagées :

  • il faut une habitation située en Belgique,
  • justifiant l’intervention obligatoire d’un architecte pour la délivrance d’un permis d’urbanisme
  • et à propos des travaux de gros œuvre fermé

a) Quels entrepreneurs ?

Tout entrepreneur dont la responsabilité civile décennale peut être engagée en raison des actes qu’il accomplit sur des habitations situées en Belgique. 

Il s’agit, logiquement, de toutes les nouvelles constructions, mais également des travaux importants de rénovation ou de restauration d’habitations existantes.

b) L’habitation :

Il s’agit du bâtiment ou de la partie du bâtiment, notamment la maison unifamiliale ou l’appartement qui, dès le début des travaux immobiliers, de par sa nature, est destinée totalement ou principalement (à plus de 50 % de sa surface) à être habité par une famille, éventuellement unipersonnelle, et dans lequel se déroulent les diverses activités du ménage.

c) Gros œuvre fermé :

Les articles 1792 et 2270 du Code Civil visent la solidité, la stabilité et l’étanchéité du gros œuvre fermé de l’habitation lorsque cette dernière met en péril la solidité ou la stabilité.

Le gros œuvre est donc constitué, d’une part, des éléments porteurs concourant à la stabilité ou à la solidité des bâtiments (murs, plafonds, planchers, …) et de tous les autres éléments intégrés qui forment corps avec eux (escaliers, cloisons, canalisations et conduites encastrées, …) et, d’autre part, des éléments qui assurent la fermeture, la couverture et l’étanchéité (charpente, toiture, …).


PORTÉE DE L’ASSURANCE
:

a) Les assurés :

Est assurée « Toute personne physique ou morale exerçant la profession d’architecte, d’entrepreneur ou d’autres prestataire du secteur de la construction, mentionnée dans le contrat d’assurance, ainsi que ses préposés et sous-traitants.

Le personnel, les stagiaires, les apprentis et autres collaborateurs d’une personne physique ou morale exerçant la profession d’architecte, d’entrepreneur ou d’autre prestataire du secteur de la construction sont considérés comme ses préposés lorsqu’ils agissent pour son compte » (Article 4 de la loi du 31 mai 2017).

A partir du moment où l’entrepreneur, même s’il est établi établi à l’étranger, intervient directement ou en tant que sous-traitant sur un chantier situé en Belgique et tombant dans le champ d’application de la loi, il sera soumis à l’obligation de souscrire cette assurance.

De manière générale, les sous-traitants, qu’ils soient ou non établis en Belgique, sont également soumis à l’obligation de s’assurer ; cela peut se faire par exemple dans le cadre d’une police globale couvrant tous les risques et intervenants pour un chantier déterminé.

b) Quelles garanties ?

L’assurance couvre la responsabilité pour les vices affectant la stabilité de l’édifice survenant dans les 10 ans qui suivent la réception-agréation des travaux. 

Une franchise a été insérée dans la loi : ne seront pas assurés les dommages matériels et immatériels d’un montant inférieur à 2.500 € (montant indexable).


PREUVE DE L’ASSURANCE
:

Le chapitre 5 de la loi du 31 mai 2017 traite de la preuve qui est à apporter, tant par l’architecte (article 11) que par l’entrepreneur (article 12).

En règle, l’assureur confirme par la remise d’une attestation que les couvertures d’assurance sont conformes à la loi et à ses arrêtés d’exécution.

Avant d’entamer les travaux, les entrepreneurs devront remettre une attestation d’assurance au maître de l’ouvrage, à l’architecte (qui aura l’obligation de la réclamer et de la contrôler, dans la mesure précisément où il est amené à contrôler le chantier), à l’ONSS par l’entrepreneur chargé de l’enregistrement des déclarations de travaux et à première demande à l’agent habilité à surveiller l’application de la loi.


QU’EN EST-IL DE L’ARCHITECTE ?

Pour quelques mois encore, le régime de l’assurance obligatoire dans le chef des architectes est régi par l’article 2 de l’arrêté royal du 25 avril 2007 précisant que « la responsabilité civile résultant de l’activité d’architecte pour autant qu’elle ait trait aux travaux exécutés et prestations délivrées en Belgique » est couverte par l’assurance obligatoire que doit souscrire l’architecte.

Il s’agit, dans le chef de l’architecte, d’une assurance qui couvre non seulement sa responsabilité contractuelle (responsabilité décennale mais aussi responsabilité pour vice caché véniel) ainsi que sa responsabilité extra contractuelle pour tout dommage qu’il pourrait occasionner à un tiers dans le cadre de l’exercice de sa profession.

Il faut donc souligner que le nouveau régime limite l’étendue de la couverture légalement obligatoire des architectes en ce que la police d’assurance qui devra être souscrite ne couvrira pas comme c’était le cas antérieurement pour les architectes les vices cachés véniels.

Il faudra donc pour la plupart des architectes combiner les assurances obligatoires dont ils disposent dès à présent avec les assurances qu’ils devront souscrire, seuls ou en commun avec les autres édificateurs à dater de l’entrée en vigueur de la loi.