Accès à la profession, agréation et enregistrement des entrepreneurs- Le point sur la question

La matière est régie par la loi du 10 février 1998 et par l’arrêté royal du 27 janvier 2007.

Toute personne qui désire s’inscrire à une activité professionnelle doit s’inscrire à une banque carrefour des entreprises (BCE), et pour cela présenter formellement des connaissances de base (article 4 de la loi du 10 février 1998).  

Ces connaissances de gestion de base sont reconnues soit sur base d’un diplôme ou soit sur base d’une expérience.

Il est important de rappeler que l’accès à la profession se distingue de l’enregistrement et de l’agréation.


ENREGISTREMENT

L’enregistrement des entrepreneurs est en vigueur depuis 1978.
Pendant des décennies, il a été un outil important dans la lutte contre la fraude sociale et fiscale.
Pour être enregistré en tant qu’entrepreneur, il fallait répondre à toute une série de conditions. Le numéro d’enregistrement était la preuve qu’un entrepreneur n’avait aucune dette fiscale ni sociale.

L’enregistrement d’un entrepreneur est désormais facultatif. L’obligation d’enregistrement est supprimée depuis le 1er septembre 2012.
L’enregistrement ne sert donc plus à rien. Il a été vidé de sa substance.


AGRÉATION

On commet fréquemment une confusion entre l’agréation et l’enregistrement.
L’agréation est une condition d’accès aux marchés publics ou subsidiés. L’agréation constitue une présomption de capacité financière, économique et technique.
Bien qu’elle soit uniquement obligatoire pour les travaux publics, l’agréation signifie que les capacités financières et les compétences techniques de l’entrepreneur ont été examinées, et reconnues
Les entrepreneurs agréés sont répertoriés en classes et catégories selon l’importance et la nature des travaux pour lesquels ils sont agréés.


ACCÈS À LA PROFESSION

L’arrêté royal du 27 janvier 2007 dresse la liste des activités réglementées en matière de construction. Il existait auparavant 28 catégories nécessitant, pour chacune d’entre elles, un accès à la profession.

L’arrêté royal les a regroupé en neuf groupes :

– entreprise générale;
– gros oeuvre (travaux de maçonnerie, béton et de démolition);
– plafonnage, cimentage et pose de chapes;
– carrelage, marbre et pierre naturelle;
– toiture et étanchéité;
– la menuiserie et vitrerie;
– finition (peinture, tapisserie, pose de revêtements de sol souples);
– installation de chauffage central, de climatisation, de gaz et de sanitaire;
– électrotechniques;

Pour chacune de ces activités, la personne intéressée doit prouver qu’elle dispose de la compétence professionnelle fixée par l’arrêté du 27 janvier 2007, sauf le cas où l’activité est exercée de façon accessoire et ponctuelle à une activité pour laquelle l’entrepreneur dispose d’un accès à la profession (ex. le plafonneur qui doit effectuer des travaux de démolition et de maçonnage pour effectuer correctement son travail).
La preuve des connaissances nécessaires pour l’activité́ réglementée que l’on souhaite exercer pourra se faire en produisant un titre valable en rapport avec l’activité́ visée. Un diplôme de niveau secondaire inférieur ne suffit plus.
Il est aussi possible de prouver les connaissances requises par l’expérience professionnelle de trois années, à condition qu’elles aient été effectivement prestées à temps plein.
Enfin, ceux qui ne disposent ni des diplômes ni de l’expérience professionnelle nécessaire pourront toujours passer un examen devant le jury central du Service public fédéral Economie, PME, Classes moyennes et Energie.


QUI DOIT PROUVER DISPOSER DE LA COMPÉTENCE PROFESSIONELLE ?

Si l’entreprise est une personne physique, la compétence professionnelle doit être prouvée de préférence dans le chef de l’entrepreneur lui-même.
A défaut, cette compétence professionnelle doit être prouvée dans le chef de
1) son conjoint, son cohabitant légal, son partenaire à condition d’habiter ensemble depuis six mois au moins.
2) un salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée.
3) un aidant indépendant.

Par contre, si l’entreprise est une personne morale, la compétence professionnelle doit être prouvée dans le chef de la personne physique qui est en charge de la direction technique journalière.
S’il s’agit d’une SPRL, il doit s’agir du gérant, un dirigeant d’entreprise ou un salarié avec un contrat à durée indéterminée.
S’il s’agit d’une société anonyme, il doit s’agir de l’administrateur délégué, un administrateur, un dirigeant d’entreprise ou un salarié avec un contrat à durée indéterminée.
S’il s’agit d’une personne morale autre que les SPRL ou les sociétés anonymes, il doit s’agir d’un administrateur, un dirigeant d’entreprise ou un salarié avec un contrat à durée indéterminée.


ENTREPRISES NE DEVANT PAS PROUVER QU’ELLES DISPOSENT DE COMPÉTENCES PROFESSIONELLES

Les entreprises suivantes ne doivent pas prouver disposer des compétences professionnelles
1) celle qui n’est pas une petite ou moyenne entreprise au sens de la loi-programme du 10.12.1998.
2) celle qui était déjà inscrite comme entreprise commerciale ou artisanale au moment de l’entrée en vigueur de la réglementation (date d’entrée en vigueur qui varie selon l’activité concernée).

Ces dispositions sont d’ordre oublic.
L’accès à la profession est l’une des garanties de compétence de l’entrepreneur pour le travail demandé, et la sanction du non-respect de l’accès à la profession est, outre des sanctions pénales, la nullité du contrat d’entreprise.
Cette nullité est une nullité absolue pour contrariété à l’ordre public.
Il en résulte que les parties ne peuvent déroger à ces dispositions légales et que le Juge doit d’office soulever la violation d’une loi d’ordre public et prononcer les sanctions qui s’y attachent.
L’absence de compétence professionnelle est sanctionnée par une nullité d’ordre public de l’intégralité du contrat et non de certains postes de celui-ci sauf si les travaux pour lesquels entrepreneur ne disposait pas de l’accès à la profession représentaient une part minime de l’ensemble des travaux.
Cette sanction doit être prononcée même si les parties ont exécuté de manière complète la convention.

Les conséquences d’absence d’accès à la profession sont donc considérables.


RÔLE DE L’ARCHITECTE

L’architecte doit se montrer très vigilent concernant l’accès à la profession de l’entrepreneur.

En effet l’architecte a une obligation de conseil et d’assistance au maître de l’ouvrage, consacrée par l’article 22 du règlement de déontologie et rappelée par la Cour de Cassation.

Son rôle est de prévenir, informer et conseiller son client.

Il devra donc vérifier les accès à la profession de l’entrepreneur au cours des opérations de soumission et d’adjudication.


CONSÉQUENCES DE LA NULLITÉ DU CONTRAT

Afin d’éviter que le maître de l’ouvrage ne conserve les travaux réalisés, sans en payer le prix, tout en veillant à sanctionner l’entrepreneur qui n’aurait pas respecté ses obligations légales, la jurisprudence fait généralement application de la théorie de l’enrichissement sans  cause. 

L’enrichissement du maître de l’ouvrage correspond à la valeur des travaux qu’il conserve dont à déduire les inachèvements et malfaçons.

L’appauvrissement de l’entrepreneur correspondra à la valeur des travaux, dont il y aura lieu de déduire la marge bénéficiaire.

La jurisprudence estime généralement que cette marge bénéficiaire est de 15 à 20 % de la valeur totale des travaux.
Une compensation entre ces deux montants sera ensuite réalisée pour faire les
comptes entre parties.

Un autre courant de jurisprudence estime cependant qu’en cas de nullité d’un contrat, il n’y a pas lieu ipso facto à application des règles relatives à l’enrichissement sans cause et que « le juge peut refuser d’accorder la répétition aux deux cocontractants ou à l’un d’eux [seulement] si l’ordre social exige qu’ils soient sanctionnés ou que l’un d’eux le soit plus sévèrement » (Brux. 28.11.2008, RGDC, 2010, p. 521-524).
Certains Tribunaux estiment donc que la protection de l’ordre social et l’équité sont mieux respectées par l’obligation de restitution au profit du maître de l’ouvrage et par le refus de restitution au profit de l’entrepreneur.

Dans cette hypothèse l’enjeu est énorme pour l’entrepreneur qui devra restituer au maître de l’ouvrage la totalité du prix payé pour les travaux !